Les enjeux de la transmission d’entreprises sont immenses en France et en région : le processus, complexe, nécessite un dispositif adapté. L’accompagnement de pair à pair, ou mentorat, est vertueux à maints égards, qu’une rencontre organisée par le Labex Entreprendre et l’Institut Montpellier Management, le 21 novembre, a examinés.
De nombreux rapports indiquent qu’il y aurait annuellement entre 60 000 et 75 000 entreprises françaises susceptibles d’être reprises. Les enjeux de la transmission pour l’économie ne sont plus à démontrer. Sa complexité non plus, du fait de la diversité des cas de figures. Il existe donc divers dispositifs d’accompagnement du processus repreneurial, parmi lesquels l’accompagnement par les pairs.
Le 21 novembre, le Labex Entreprendre et l’Institut Montpellier Management, en partenariat avec La Tribune, organisaient une table ronde à l’occasion de la sortie du rapport « Regards des repreneurs sur la reprise d’entreprise : le cas des lauréats de Réseau Entreprendre », interrogeant cédants et repreneurs dans le cadre d’un partenariat entre le Labex Entreprendre et Réseau Entreprendre. Objectif de l’étude : analyser le processus repreneurial sous l’angle de l’accompagnement et de la performance et mieux comprendre l’influence des dispositifs d’accompagnement.
Le mentor-modèle
« Ce rapport met ainsi en lumière le profil-type des repreneurs et leurs caractéristiques repreneuriales, souligne Karim Messeghem, professeur des Universités à l’Institut Montpellier Management. On observe une absence de diversité, avec seulement 8,8 % de femmes, un niveau de formation majoritairement élevé, 93,8 % de primo-repreneurs, une majorité de reprises externes, soit 84 %, contre seulement 10,6 % par des salariés et 5,3 % par un membre de la famille. »
Les repreneurs sont majoritairement dotés d’une bonne expérience professionnelle, 96,1 % d’entre eux étant d’anciens cadres ou ex-dirigeants.
« Ils font preuve d’une forte croyance en leur capacité d’action et d’un niveau assez élevé de créativité et de confiance en soi, cette dernière étant un révélateur de la capacité à s’engager et à faire preuve de résilience, ajoute Karim Messeghem. »
« Pour plus de 65 % des repreneurs, l’accompagnement a débuté après la reprise, le mentorat a donc démarré tardivement, précise Dorian Boumedjaoud, ingénieur d’études et auteur de la thèse de doctorat dans laquelle s’inscrit l’étude. La fonction modèle du mentor est particulièrement reconnue, particulièrement pour la motivation qu’il génère. Plus de 80 % des repreneurs sont satisfaits du mentorat, et le taux de satisfaction est encore plus élevé quand l’accompagnement débute dès les phases amont… Parmi les propositions que nous faisons : promouvoir la diversité des repreneurs, notamment en direction du repreneuriat féminin, valoriser la reprise par les salariés, anticiper l’accompagnement par le mentor dès la phase amont, et développer l’accompagnement financier post-reprise. »
Le facteur humain dans l’équation transmission/reprise
Une table ronde proposait de croiser les regards de plusieurs réseaux d’accompagnement (IME, CCI, Réseau Entreprendre, etc.), d’académiques et de praticiens, de mentors et de mentorés.
Confiance et bienveillance
Dominique Restino, président de la CCI de Paris et d’IME France (Association française des Instituts du mentorat entrepreneurial) : « Le mentorat est un concept importé du Québec il y a 15 ans… Le mentor et le mentoré se choisissent. La confiance et la bienveillance sont le socle de la relation mentorale. Le mentor ne donne pas de conseil, il n’a aucune réponse, il pose des questions et les bonnes ! La relation doit se construire et se nourrir. Le mentor intervient en complément des experts métiers. […] L’enjeu de la transmission est sur l’ensemble de la France, y compris sur les territoires ruraux. Il faut aller sur ces territoires, entre autres pour accompagner la jeune génération, notamment dans les filières professionnelles ».
Éveiller le mentoré
Loïc Duffault, associé KPMG et administrateur du Réseau Entreprendre Occitanie Méditerranée : « Le Réseau Entreprendre apporte deux choses : un prêt d’honneur à taux zéro et de l’accompagnement. L’accompagnement par les pairs est un élément clef, générateur de confiance. Le mentor est là pour casser des a priori, des images, amener le repreneur à se poser un maximum de questions, et ce dernier doit être capable d’entendre ce qui est dit. Le mentor ne se substitue pas au conseil, il vient éveiller le mentoré. […] Le Réseau Entreprendre en Occitanie compte 110 membres, 60 créateurs/entrepreneurs accompagnés. Petite particularité de la région : une part de repreneurs significativement supérieure à moyenne nationale, 50 % contre 30 % ».
Valoriser le repreneuriat
Marie Hélène Girbau-Grimoin, fondatrice et dirigeante du cabinet IDEE (Innovations en Développement Économique et Entrepreneuriat) : « IDEE s’occupe des réseaux institutionnels et économiques impliqués dans l’accompagnement des repreneurs. Nous sommes intervenus pour l’agence régionale de développement économique Ad’Occ durant des Assises dédiées à la reprise et dont l’objectif était d’identifier les problématiques de la transmission. Parmi elles, nous avons retenu des questions sur la préparation du cédant et de son entreprise – qui intervient souvent trop tard -, la formation du repreneur qui va monter dans un bateau déjà bien lancé, le matching entre cédant et repreneur, les métiers comme le financement, la valorisation de l’entreprise, l’aspect psychosociologique d’une transmission-reprise, l’écosystème – très complexe -, la nécessité de travailler en commun et non en silo, la valorisation du repreneuriat – peu valorisé par rapport à la création d’entreprise -, les entreprises intransmissibles, et les zones rurales ».
La culture d’entreprise
Alain Thibault, repreneur du cabinet-conseil Bernard Julhiet Group et mentor IME : « La reprise est d’autant plus difficile que souvent il y a une personne et une équipe en face et c’est tout un jeu de savoir ce qu’il y a dans la tête du cédant. Souvent, il est mal préparé. Il ne faut surtout pas se focaliser uniquement sur le dirigeant, et se préparer à ce qu’un jour il parte, mais aussi sur son équipe. L’adaptation à la culture d’entreprise est fondamentale car on rachète surtout des hommes ! Il faut embarquer les gens dans l’aventure. Si l’entreprise est en difficulté, c’est plus délicat car on n’a moins de temps ».
Faux-cédants et indéracinables
Stéphanie Berrahma, directrice du Pôle Transmission d’entreprise pour l’entreprise Changeons d’Allure : « Nous accompagnons cédants et repreneurs sur la dimension humaine de la transmission, notamment beaucoup de cédants car ils peuvent avoir du mal à céder leur société. Nous savons ainsi, aujourd’hui, identifier le « faux-cédant », celui qui veut savoir ce que vaut son entreprise mais qui ne la vendra jamais, mais aussi les « indéracinables », qui ne savent pas quoi faire de leur vie après… 80 % des entreprises non cédées, c’est à cause de l’aspect psychologique. […] Concernant le repreneuriat au féminin, ce qu’on observe le plus fréquemment, c’est le manque de confiance. Là, le coaching est réel et il y a probablement besoin de travailler sur le syndrome de l’imposteur ».
Orienter et former
Sylvie Fardin, responsable du service Transmission-reprise à la CCI Hérault : « Nous sommes, pour les repreneurs, une porte d’entrée et un orienteur. Ils sont démunis et seuls face à cette démarche. La première des choses, c’est de les former, via des ateliers avec des experts métiers comme experts-comptables ou avocats, mais surtout avec des pairs qui viennent témoigner de leur réussite, ce qui est très boostant. […] A Montpellier, nous observons qu’il existe plus de repreneurs que d’entreprises à reprendre ».
La solitude du repreneur
Emmanuel Sandoz, repreneur de la société LDS (formation en langues étrangères) et Lauréat 2019 de Réseau Entreprendre : « Quand j’ai décidé de reprendre l’entreprise, j’étais salarié dans une société industrielle à Lyon depuis 18 ans, et à 50 ans, j’ai pris conscience que poursuivre dans ce rôle de salarié n’avait pas de sens pour moi. Il ne faut pas se focaliser sur les aides au financement : quand on le veut profondément, c’est toujours possible, il ne faut pas se mettre des freins sur l’argent. […] On connaît une vraie solitude quand on reprend une entreprise, d’où l’intérêt de se tourner vers un réseau d’accompagnement. LDS emploie 12 salariés et une centaine de formateurs externes. J’avais rencontré l’équipe avant et je me suis rapidement projeté avec elle ».
Challenger
François Cayron, associé chez Grant Thornton (expertise-comptable) et accompagnateur de Réseau Entreprendre : « L’humain est le plus important. J’accompagne Emmanuel Sandoz depuis un an, c’est quelqu’un qui est « accompagnable » car il est attentif aux questions qu’on peut poser. Je l’ai challengé sur l’aspect humain, l’aspects financiers mais aussi parce qu’il venait d’un métier très différent ».
Sources : La Tribune Objectif Languedoc Roussilon | Cécile Chaigneau 22 novembre 2019
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